Rallye Aïcha des Gazelles 2011
Rallye raid d’orientation exclusivement féminin, hors pistes au Maroc, le rallye Aïcha des Gazelles à fêté cette année ses 21 ans. Créé à l’initiative d’une Femme, Dominique Serra, il a acquit ses lettres de noblesses année après année, rassemblant des femmes de tous âges et de tous horizons, pour une aventure humaine unique en son genre.
Notre équipage est un équipage 100% gazelles, puisque nous nous sommes connues sur le Rallye en 2008, alors que nous faisions équipage à part. Quelques galères et éclats de rire plus tard, nous avons formé l’équipage 120 « Cap Médina – Souka », pour les rallyes 2009, 2010 et 2011.
Nous voici de retour, avec dans nos valises une honorable 7ème place. Après une belle progression sur les 4 premières étapes nous amenant à être 3ème au général le matin du 5ème jour, une première étape marathon difficile nous a hélas fait perdre des places. Voici en quelques pages le détail de nos péripéties…
Prologue Mercredi 23 Mars
Après plusieurs jours d’attente : vérifications administratives et techniques à Sète, traversée en bateau, suite des vérifications à Mekness… nous voilà enfin sur la ligne de départ du prologue.
Objectif : reprendre nos marques avec le terrain et la navigation, et se classer au mieux pour partir dès le début sur le même parcours que les meilleures.
La première balise semble presque trop simple : située devant une montagne en forme de tajine, un beau relief bien marqué au milieu de nulle part ! Confiantes, nous sourions d’avance en approchant du point où devrait se trouver la balise, et… rien !!! Nous reprenons nos cartes, il doit s’agir d’une erreur… mais non, elle devrait être là ???
Nous choisissons de contourner la montagne par la droite. Nous errons en terrain hostile, de cailloux en failles, et nos sourires s’effacent : ça commence bien !
Après un tour quasi complet de la montagne, nous revenons presque au point de départ quand nous la voyons enfin ! La belle n’est pas devant la montagne comme prévu mais… au milieu ! La « tajine », à la manière d’une dent cariée, dévoile en son centre un trou béant au coeur duquel nous nargue la désirée. Ce devait être une ancienne forteresse car un mur, aujourd’hui en ruine, fermait une partie de la montagne.
Le ton est donné : ce rallye ne sera pas simple, et il va falloir faire preuve d’une précision d’horloger, car nous étions vraiment juste à côté en arrivant au pied de la « tajine »!
Nous trouvons les 2 autres balises, sans trop de difficultés, avant de rentrer au bivouac. Mission accomplie pour ce prologue.
Etape 1 – Étape en boucle Jeudi 24 Mars
MECH IRDANE-MECH IRDANE idéal 192 km – temps minimum 09h30
Après une courte nuit ponctuée par le ronronnement du groupe électrogène qui alimente le bivouac en électricité, et le bruit des moteurs des filles qui rentrent de nuit, nous prenons le départ en 3ème position.
Les 5 premières balises s’enchaînent sans difficulté, le terrain est roulant, agréable, pas de franchissement compliqué.
La 6ème balise sera la récalcitrante de la journée. Nous allons fièrement au cap et approchons d’une zone plus ardue alternant dunes et montagnes. Nous errons pendant 1h30 sans voir l’ombre d’une balise, ni l’ombre d’un autre véhicule.
L’expression « seules au monde » prend ici toute sa saveur… ce qui n’arrange pas nos petites affaires ! Devons-nous nous considérer comme définitivement perdues ???
Soudain, un bruit de moteur bien connu : les futures gagnantes du Rallye passent près de nous et nous comparons nos cartes. En fait nous sommes loin de l’endroit où nous pensions être. Nous nous sommes décalées beaucoup trop à gauche de 3 km lorsque nous avons traversé les dunettes. Nous trouvons enfin notre 6ème balise avec beaucoup de retard.
Rien n’est perdu ! Nous filons à toute allure vers la 7ème et dernière balise, commune à tous les équipages. Au détour de la montagne nous tombons sur une vallée au relief accidenté, où, tel un essaim d’abeilles travailleuses, se croisent et s’entrecroisent bon nombre d’équipages à la recherche du dernier Sésame ! Nous marquons un temps d’arrêt, incrédule, devant ce ballet improvisé, quand soudain une gazelle surgit d’un petit mont sur la gauche en agitant les bras ! Nous hésitons : balise ? Besoin d’aide ?? De toute façon il faut aller voir : ce sera balise et nous serons les 10èmes à la trouver, belle remontée!! Allez zou ! Tournée de crème au chocolat pour remercier nos « tuyauteuses » !
Retour au bivouac au cap, puis par la piste, jusqu’à un carrefour. Hésitation. Tout droit ou à droite ? Nous sommes presque sûres que c’est à droite, mais pour s’en assurer et éviter tout km superflu, je monte sur la montagne pour avoir un point de vue sur la vallée : rien en vue, vallée déserte. Nous trouvons un autre équipage, qui est sûr que c’est tout droit. Bon, optons pour le « tout droit »…
3km plus tard… nous narguant dans le rétro, nous voyons s’illuminer tel un sapin de Noël, le bivouac ! Grincement de dents : tout à l’heure il était caché dans la brume, c’est pour cela que je ne l’avais pas vu !
Demi-tour sur les chapeaux de roues … 27km de trop sur cette étape. Nous classant 11ème, nous devons absolument faire mieux demain.
Etape 2: Vendredi 25 Mars
MECH IRDANE-NEIJAKH idéal 175 km – temps minimum 11h50
Aujourd’hui, changement de bivouac. Après un réveil en fanfare avec la douce voix de la maîtresse de maison qui égrène de merveilleux « bonjour, il est 4 heures », et le briefing de 5 heures, il faut plier la Queshua 2’ et tout remballer dans le 4X4.
6 heures : Ligne de départ, fin prêtes. Christine navigue à merveille : balises 1, 2, et 3 au cap sans problème sur des plaines caillouteuses. C’est sûr, ce matin, elle a avalé un gps au petit déjeuner!
La 4ème sera plus coriace : 40 Km au cap sur un terrain très difficile parsemé de trous et d’herbes à chameau. Nous évoluons lentement, pour préserver le véhicule, les minutes semblent des heures, cela n’en finit pas, et nous accumulons beaucoup de retard. Nous commençons à nous interroger sur notre choix d’aller au cap, parties comme cela nous n’aurons jamais le temps de trouver les 7 balises, nous aurions peut-être mieux fait de faire plus de km et de prendre la piste pour gagner du temps.
Nous avançons toujours, et toujours pas de balise. Nous sommes bien trop près de la montagne, nous aurions déjà dû la trouver. Ça ne loupe pas dans ce genre de terrain, nous nous sommes légèrement déviées, et du coup, nous avons dépassé la balise d’au moins 5km. En effet, en arrière et légèrement à droite par rapport à notre position nous voyons les vitres d’un véhicule se refléter au soleil. Sans doute notre balise ! Nous y allons et la pointons.
16 heures… Vite ! Encore 3 à trouver ! Nous n’avons toujours pas mangé et le temps presse, le repas sera pour ce soir. Encore 33km à faire pour pointer la 5ème!
La brume s’épaissit, rendant impossible la navigation à l’aide des reliefs. Le terrain s’améliore, plus roulant. Peu de bruit dans la voiture, nous jouons la montre. Ni l’une, ni l’autre ne le dit pour ne pas démotiver l’autre, mais chacune y pense : cette fois-ci c’est mort, nous n’aurons jamais les 7 balises. Mais procédons par étape : trouvons cette 5ème, ce sera déjà bien. Christine est concentrée sur sa carte, moi sur ma conduite.
18 H, enfin, la voilà derrière une dunette.
Le pointeur accueille nos mines déconfites avec un large sourire : balise 7 annulée, tous les équipages ont pris trop de retard ! Nous laissons exploser notre joie ! Il nous reste 1 heure et quart pour trouver la 6 ème balise, selon la feuille de route elle est à une heure de là, sur la route du bivouac, c’est jouable !
Nous fonçons tel les « fous du volant » et arrivons sur zone : rien !!! Comment ça rien ??? Elle devrait être au bord de la route, à droite !!! Non mais ça ne va pas recommencer ??? Il nous reste moins d’une demi-heure pour la trouver !
Nous voyons des équipages revenir de la gauche, dernier espoir, nous tentons le tout pour le tout : à gauche toutes !
La voilà enfin ! Ouf ! Sur le fil !
Contre toute attente quelques heures plus tôt, carton plein sur cette étape! Comme quoi, il ne faut jamais baisser les bras ! Retour au bivouac, rires et musique à fond pour l’entendre sous nos casques : 30km de trop mais nous remontons à la 8ème place au général ! Dure journée !
Etape 3: Samedi 26 Mars
NEIJAKH-NEIJAKH – idéal 201 km – temps estimé 11h30
5 heures, un café, une crêpe au miel, et nous écoutons, attentives, le briefing matinal : ce matin, départ vers une étape de pure navigation, qui demande une bonne lecture des cartes sur un plateau immense sans reliefs, sans nulle âme qui vive à l’exception de quelques dromadaires. Le terrain est difficile, rempli de failles, de cailloux et de « choux-fleurs », plantes remplies de sable et dures comme des pierres, très cassantes pour les véhicules.
Avec Christine, nous connaissons bien les méandres montagneux des contreforts du « Hamada du GUIR » des rallyes précédents. Cela ne nous rappelle pas que de bons souvenirs.
Christine sait qu’elle devra garder l’œil rivé sur son compas et sa boussole, la moindre inattention peut mener à l’erreur fatale.
Nous voilà parties, bien résolues à ne pas commettre les mêmes erreurs que par le passé. Tous les sens en alerte, nous allons droit au cap, trouvons les passes pour franchir les failles acérées des oueds asséchés, slalomons entre les choux-fleurs menaçants, et arrivons aux balises avec un kilométrage proche de la perfection. Fièrement, nous collectionnons les petites étiquettes gazelles sur notre feuille de pointage, allez, encore un peu de courage, plus qu’une et c’est le bivouac !
Pour rejoindre la 7ème il faut prendre les pistes : pas moyen de tirer au cap, la montagne est infranchissable. La piste s’étire entre les reliefs majestueux, ponctuée de passages sableux et de trous, non moins majestueux. Accélérations, freinages, on essaie de gagner du temps. Premier embranchement, pas d’hésitations : je m’étais perdue là avec Laurence en 2008, nous avions erré pendant des heures, cette fois ci c’est sûr, c’est à gauche !! Comme quoi se perdre peut servir les années futures …
Nous voilà reparties, les montagnes succèdent aux montagnes, nous capons la passe dans la roche, la prenons, et arrivons dans une plaine cerclée de montagnes. La balise est juste derrière, c’est sûr ! Sur la carte, pour y parvenir, une piste à gauche, à 80° doit nous y mener directement. Une question de minutes… il faut juste trouver la piste ! Et pas question de faire des km en trop : une fois de plus, telles les marmottes, nous crapahutons sur les sommets alentours pour scruter la vallée à la recherche de la piste. A gauche, elle se dessine franchement telle une saignée dans la montagne noire. Christine prend son cap : parfait, piste à 80° … go !
7 km plus loin, la piste tourne subitement sur la gauche, alors que sur la carte elle est sensée tourner à droite. Nous continuons un peu, elle va peut-être revenir vers la droite ?? Mais la piste persiste à gauche… Cela ne va pas du tout ! Hésitations… nous refaisons un point. Soudain, un bruit d’hélicoptère dans notre dos : il vient sans doute de la balise !!
Demi-tour, il faut revenir sur nos pas, ce n’est pas la bonne piste… Nous trouvons la bonne à 800m environ de celle que nous avions prise, elle aussi à 80° . Une seule sur la carte, deux sur le terrain… nous pestons après les cartes et arrivons enfin à la balise. Carton plein à nouveau… mais des KM de trop au compteur. Demain c’est le sable, il nous faudra pointer toutes les balises « X » pour nous rattraper !
Etape 4: Dimanche 27 mars
NEIJAKH-NEIJAKH: idéal 128 km – temps estimé 11h00
Ce matin réveil mêlé de stress et d’excitation : c’est le grand jour des cathédrales de sable de l’Erg CHEBBI .
La navigation sera plus simple que la veille, les dunes de Merzouga sont très marquées, mais la moindre erreur de conduite et ce peut être, au mieux, l’ensablement, au pire, l’accident.
Sur le rallye, le sable est au choix en fonction de son niveau technique, de sa combativité, de sa stratégie : un parcours facile induit une sécurité de pointer tous les CP, un parcours médian induit une pénalité limitée et enfin un parcours difficile induit une confortable avance au classement mais avec un grand risque de galère ou d’échec.
Nous prenons le parcours « X » certes difficile, mais obligatoire pour nous si nous voulons rester dans le top ten, voire gagner des places.
Nous partons pour une première balise en amont des dunes, une petite erreur de navigation, et nous tombons sur une balise qui n’est pas la nôtre. Nous prenons le point des concurrentes qui sont là et l’apposons sur notre carte : nous sommes 2km trop à droite. Allez, ce n’est pas bien grave, nous reprenons le cap depuis la mauvaise balise vers la nôtre : nous arrivons les dernières au CP1 avec 5km de trop !
C’est parti pour les CP « X » dans le sable orangé de Merzouga. Nous sommes en convoi, puisque dans les dunes nous avons le droit de nous suivre. Nous ouvrons avec Christine, emmenant avec nous les copines, il faut dire que nous adorons ça ! La 2X est trouvée bien facilement. En route vers la 3X, nous trouvons le camion de l’équipage qui était 2ème au général la veille couché sur les portières. Impressionnant.
Dans les passages difficiles, les navigatrices courent devant pour nous éviter ce genre d’écueil. Les balises 3X, 4X se succèdent sous la chaleur brûlante des dunes, avec, bien entendu, quelques ensablements de circonstance.
Explosions de joie à la 5X! Pour fêter ça un des organisateurs nous offre un thé glacé bien frais, et notre estomac se rappelle à nous… nous avions oublié de manger! Grignotage et photos souvenir, et il faut repartir vite , car nous ne sommes pas encore sorties des dunes!
Ce sera rapidement fait, direction Merdani, nous sortons au pied du campement de nomades. Avant de se séparer, nous gonflons nos roues, et prenons un peu de sable en souvenir de cette belle étape… pas terminée car il reste 2 balises à trouver.
Elles ne nous poseront aucune difficulté, et nous rentrons au bivouac, musique à fond, en nous goinfrant de « Mon Cheri ». Nous passons la ligne d’arrivée dans un éclat de rire commun, dû a la bonne journée et peut être aussi un peu au kirsch des petites bouchées au chocolat…!
Etape N°5: Marathon 1 – Jour 1 lundi 28 mars
NEIJAKH-MHAMID idéal 365 km temps estimé 21h30 – Étape marathon
Notre réveil nous offre une surprise: André Manoukian nous fait la faveur d’un concert improvisé au milieu des tentes. C’est à la fois surréaliste et agréable.
La seconde surprise sera sur le tableau de classement : nous sommes 3èmes au général!!!! Incroyable ! C’est une première pour nous, nous n’avons jamais été aussi bien classées ! Nous prenons la ligne de départ excitées comme des puces et en même temps… tendues. Nous n’avons plus droit à l’erreur si nous voulons nous maintenir à ce classement!
Objectif cap, cap, cap et rien d’autre!
La technique paye dès la première balise, que nous trouvons après un passage un peu difficile à se frayer entre les roches noires de la montagne. Nous récupérons la feuille de route, Christine trace ses points sur sa carte, le moral est bon, les troupes sont fraîches.
Départ pour la seconde balise à gauche des dunes de Merzouga. Beaucoup d’équipages prennent visiblement l’option du report de cap, nous choisissons le cap direct, parions que nous allons trouver les passes. Nous en trouvons une, puis 2, mais notre avancée est ralentie par des reliefs acérés. Nous approchons de la zone, mais pas de balise à l’horizon.
Nous errons de relief en relief, et nos recherches restent infructueuses… Les heures passent et nos gorges se serrent. Nous perdons beaucoup trop de temps, nous faisons beaucoup trop de km. Nous sommes entrain de perdre ici nos chances de victoire, car nous y pensions un peu en partant ce matin, nous n’avions plus que 2 places à gravir… les nerfs prennent le dessus, les larmes ne sont pas loin. Nous grimpons sur le plus haut sommet et refaisons un point en fonction des reliefs au loin et des dunes de Merzouga, et soudain, c’est la révélation! Nous ne cherchons pas au bon endroit, nous sommes trop en retrait par rapport aux dunes. Il y a un sommet avec une antenne environ 2km plus loin, un peu à gauche, sans doute le point culminant au pied duquel doit se trouver notre balise ! Rageuses, nous sautons dans notre 4×4 et filons en direction l’antenne, pointer notre CP2 avec 3 heures de retard!
Allez rien n’est perdu, il faut foncer. Entre amertume et espoir renaissant, nous reprenons le cap, il faut rouler plus vite pour rattraper ces 3 heures de retard.
Nous croisons les organisateurs qui nous font signe de nous arrêter: ils veulent nous fouiller pour être sûr que nous ne cachons pas de GPS ! Non mais c’est une blague? Si nous avions un GPS on n’en serait pas là à l’heure qu’il est! Nous nous soumettons à la fouille, et les larmes retenues jusque-là s’échappent…
Nous repartons enfin, et nous filons vers le 3ème CP… que nous trouvons assez difficilement après nous être trompées de balise, quelle sale journée ! Les balises 4, 5, 6, 7 et 8 feront moins de résistance, mais nous n’irons pas plus loin pour cette première journée de la marathon. Il y a du monde à la balise, la suivante nécessite de passer dans le sable et nous ne l’aurons pas avant la nuit. Il est 18h30 et nous sommes épuisées physiquement et nerveusement. Nous prenons l’option soirée détente, champagne, foie gras, fromage d’ Auvergne et musique : quelques pas de danse en plein désert … Nous allons nous coucher un peu plus détendues, demain sera un autre jour qui ne peut qu’être meilleur.
Marathon 1 – Jour 2 mardi 29 mars
Départ a l’aube, bien décidées à trouver les 9 CP dans notre journée: l’objectif 0 balises loupées reste difficile mais réalisable .
Nous capons à travers les dunes pour trouver la 9, une passe dans la montagne, une piste dans la vallée et la balise doit être sur la piste du village. Nous filons sur la piste mais à l’approche du village, pas de balise. D’ailleurs le village est beaucoup trop à droite. Nous reprenons les cartes, prenons le cap inverse du village et traçons notre position sur la carte: nous avons encore fait erreur! Nous ne sortons pas de la bonne vallée … Décidément, quand ça s’acharne!
Retour au village pour prendre la bonne piste. Encore une bonne heure de perdue sur cette balise.
Les 10, 11, 12, 13, et 14èmes balises se trouvent en lutte perpétuelle contre-la-montre. Nos chances de pointer le CP 17 sont nulles, mais nous pouvons trouver sans problème le CP 15 à 30mn de là, et le CP 16, 15mn plus loin : nous avons 1h30 devant nous.
Mais la fatigue, le stress, la tension auront raison de nous. Nous partons pour une balise 15 en cumulant erreurs de cap et mauvaise lecture de la carte, et inévitablement nous ne la trouvons pas. La nuit tombe, nous décidons de rejoindre le bivouac, situé à 3 heures de route. Nous trouvons la bonne piste et la balise 16 nous nargue, bien en évidence au bord du chemin. Elle n’est pas close, mais nous ne pouvons pas la valider, faute d’avoir pointé la 15.
Amertume extrême: les nerfs lâchent et les larmes coulent. Il nous manquera 3 balises, c’est fini de nos espoirs de garder le Top 3, et peut être même le Top 10. Nous trouvons les « Gazous », qui tentent de nous réconforter de leur mieux.
Nous rentrons en convoi, interminable. Un pare-brise cassé ; une panne ; une Gazelle qui s’endort, loupe un pont et s’ échoue sur le parapet : les mécaniques et les filles sont éreintées. Nous arrivons à plus de 23h, épuisées et déçues. Il reste encore à faire le plein, vérifier la pression des pneus, souffler le filtre à air, faire le point avec les meccanos, se doucher, manger… Chaque geste est un supplice, une seule envie : dormir et oublier cette satanée journée ! Et demain il faudra enchaîner une autre étape marathon. Espérons qu’elle sera meilleure!
Etape N°6: Marathon 2 – Jour 1 Mercredi 30 Mars
Étape marathon : MHAMID-FOUM-ZGUID idéal 241 km temps minimum estimé 20h00
Levé difficile ce matin, nous filons jusqu’au tableau de classement la boule au ventre. 8ème au général en étant 24ème de la première marathon, nous nous attendions à pire. Avec autant de pénalités, les chances de finir dans le top 5 sont nulles, mais rien n’est perdu pour le top 10. Il faut s’accrocher, ne rien lâcher. Et puis, sur cette étape, il y a beaucoup de sable, dont les dunes de Chegaga, et jusqu’à présent le sable a plutôt été une force pour notre équipage.
Nous allons déjeuner et écouter le briefing, nous nous motivons mutuellement. Ne rien lâcher… avoir toutes les balises … pas de km en trop…ne pas perdre de temps…toujours au cap….
Dernier départ, et c’est parti pour plusieurs km de dunettes, au cap. Le terrain est difficile, nous prenons l’option de ne pas dégonfler, car entre les dunettes le terrain est cassant, et pour la première fois depuis le début du rallye, je m’ensable… 3 fois ! Échauffement de bon matin, hop, on sort les plaques et c’est reparti !! Nous essayons de garder notre cap, pas facile dans les dunes. Nous croisons notre quintuple championne de quad qui vient de trouver notre balise. Échange de position, nous ne sommes pas si mal, à peine un km et nous trouverons la belle.
Balise trouvée, Christine fait ses points dans la voiture car le vent s’est levé et les grains de sable nous piquent le visage telle de la grenaille. Pendant ce temps, je vide l’arrière de la voiture pour sangler notre frigo qui s’est décroché dans les passages de dunettes.
Nous repartons vers le CP 2. Nous choisissons d’aller au cap, et c’est reparti pour les montagnes russes : des dunettes de 2 à 3 mètres, en alternance avec des trous, des racines menaçantes, des pierres… nous avançons en terrain hostile à pas de fourmi, et les minutes se transforment en heures… 13 Heures, notre progression est beaucoup trop lente. À ce rythme, nous n’aurons jamais cette balise dans la journée ! Changement de tactique, à 2km environ à gauche, il y a une palmeraie, au bout de laquelle se trouve une piste qui mène à la balise. Nous ferons plus de km, mais nous gagnerons du temps.
Voici enfin la palmeraie, et nous nous y enfonçons en quête de la piste. Pas très compliqué à première vue sur la carte, il n’y a pas beaucoup de pistes… mais le terrain ne correspond pas du tout à la carte ! De nombreuses pistes s’emmêlent, c’est un vrai labyrinthe ! Après une heure d’errance et les nerfs à fleur de peau, nous nous avouons vaincues, nous ne trouverons jamais la bonne piste. Option 3 : nous remontons jusqu’à Mhamid, pour prendre la route et contourner la palmeraie, puisque notre piste devrait se trouver tout au bout. L’option s’avère judicieuse, sauf pour les km en trop, nous trouvons notre piste à… 15 heures ! Plus question de perdre de temps ! Go go go … à fond, nous traçons comme des folles en direction de la balise ! 16 heures, CP 2 pointé. Nous faisons un bref point sur la carte : pour aller à la 3, il faut traverser l’oued DRAA, une vraie galère, ou prendre la route puis la piste à Mhamid, roulant, mais les km en trop seront nombreux. Un coup d’œil à la montre : pas le choix, ce sera la piste, et à fond !
À 17H30, point navigation au pied d’un fort abandonné . Stupeur : le CP 3X est de l’autre côté du DRAA et ferme dans 30mn ! Si nous ne l’avons pas à temps nous sommes bloquées au CP 4 que nous ne pourrons pointer que demain matin, c’est la catastrophe ! Nous sautons dans le 4X4 comme si nous avions le diable à nos trousses et fonçons ! Il faut passer devant le CP 4 pour aller au CP3X. Les filles arrêtées au CP4 nous crient : « vite, prenez les traces à l’envers, la balise est en haut !!! » Il reste à peine 15mn, mission impossible ! Nous tentons quand même… une dune, deux dunes et je m’ensable ! Oh non, nous n’avions pas dégonflé de la journée ! L’hélicoptère arrive et tourne sur nous tel un vautour sur sa proie… Vite, chacune son côté, 1kg de pression dans chaque pneu. L’hélicoptère tourne toujours… pas le temps de sortir les plaques, je recule doucement, suffisamment pour prendre de l’élan, et c’est reparti, nous prenons de la vitesse et avalons les dunes à toute vitesse, jusqu’à la balise ! Explosion de joie, une bise aux pointeurs, et go go go, nous repartons à la même vitesse pointer notre CP4… en 8mn ! Un record !
Galvanisées par ces deux balises pointées de manière inespérées, nous filons jusqu’à la 5, que nous pointons avant la nuit ! C’est ici que nous bivouaquerons, avec les « Gazous », et deux équipages de Gazelles.
Marathon 2 – Jour 2 Jeudi 30 Mars
C’est le dernier jour de rallye. Ce matin, nous assistons ensemble au lever du soleil dans le désert. Majestueux. On se sent tout petit.
Il reste 5 balises, et surtout les dunes de Chégaga. Nous partons vite pour ne pas perdre de temps, car ces dunes-là sont traîtres et difficiles après midi. Cette année, les organisateurs ont vu différemment, il n’y a que 2 balises « X » pour aujourd’hui.
Nous attaquons les dunes en groupe, avec nos copines de bivouac de la veille. 5mn plus tard nous tombons sur un équipage en mauvaise posture, dont le dessablement qui tourne mal couche le véhicule sur le côté. Nous assistons impuissantes à la scène, aidons à sécuriser la voiture, et repartons à la conquête des CPX. Un premier CPX pointé à la hâte et je me paie le luxe d’un ensablement ridicule, une erreur de débutant qui me vaudra une claque sur le casque de la part de ma gazelle dans un grand éclat de rire. Les « Gazous » passant par là, nous sortent d’un coup de sangle.
Le 2ème CPX ne sera pas beaucoup plus compliqué, ce qui n’est pas le cas de la sortie !
Nous choisissons, en groupe, de sortir au sud via un lac asséché, car d’après la carte il y a moins de hautes dunes à franchir… mais les dunes ont bougé et nous tournons en rond comme des abeilles sur un pot de confiture sans trouver la passe… Après plusieurs tentatives infructueuses nous parvenons enfin à nous extraire du sable. Nous prenons l’option de ne pas regonfler avant le lac Iriqui car l’an dernier, ce lac asséché, exceptionnellement très humide, nous avait réservé quelques sueurs froides. Moins gonflés les pneus ne devraient pas s’enfoncer autant. Nous surfons sur cette belle étendue à toute allure, guettant tout de même d’un œil avisé la saignée qui pourrait se montrer fatidique.
Au moment de regonfler, notre compresseur tombe en panne, et nous avons la chance de croiser un équipage qui nous donne de l’air, indispensable au regard des terrains qui finissent l’étape. Les paysages sont lunaires, ça et là, au milieu des pierres noires, d’immenses galets gris, ronds et polis semblent comme tombés du ciel…
Nous trouvons la balise 8 sans problème, la 9 sera plus subtile, dissimulée sur un promontoire entre les reliefs de pierres acérées.
Plus qu’une ! Nous n’osons croire que c’est possible : nous n’avons jamais bouclé un Marathon avec toutes les balises ! Nous prenons l’option piste… et nous nous égarons à nouveau ! Les souvenirs de l’an dernier refont surface… et si nous ne la trouvions jamais cette dernière balise ?? Nous trouvons un autre équipage égaré : un point commun de navigation et prenons conjointement la décision de revenir sur nos pas de 3 km pour reprendre la piste. Ce sera payant ! Quelques minutes plus tard et c’est la « der des ders » arrosée au champagne avec plein de Gazelles! Nous y sommes ! Enfin ! Le retour se fera sans risque, par la piste.
La ligne d’arrivée sera de jour, sous les félicitations des organisateurs, séquence émotion…
C’en est fini de ce 3ème rallye ensemble, de ces éclats de rire, de ces moments de doute, de joie intense, de pleurs. Nous ne savons pas encore qu’au final, nous serons 7ème au général, mais ce que nous savons à ce moment là très précis, c’est que nous repartons ensemble l’an prochain, parce que nous avons encore 3 balises à trouver, et tant de moments à partager…
Epilogue Impressions Christine, navigatrice:
Tout commence aux formalités à Sète ! Au moment où l’on me confie le paquet de cartes ! Nos cartes! Dont je me sens la responsable !
Désengagée de la tension de la recherche de partenaires, puisque nous sommes au départ je pourrais enfin souffler… mais il y a peu de temps de répit… la tension reprend avec ce paquet de cartes !
Sur le bateau, mon job commence, aidée de Delphine et c’est important (si je devenais amnésique..) je classe , numérote et surtout organise de façon la plus adéquat nos cartes! Et surtout ne rien perdre!
C’est une hantise qui est perpétuelle! Je sais ce que peut coûter la perte d’une carte !
La tension s’accentue au prologue… Est-ce que les premiers points sont bien placés? Est-ce que le tracé est judicieux? Pourvu que je n’amène pas l’équipage dans une galère!
Et quand la 1ère balise nous fait tourner autour d’une tajine c’est une boule au ventre qui se forme! Et si je m’étais trompée ? Le doute arrive, la gorge commence à s’assécher… et là, miracle la balise est là… ouf c’est bon pour cette fois… allons chercher la suivante!
Le terrain me parle, il est en accord avec ce que je lis sur ma carte, et la 2nde et la 3ème balise sont là! Le prologue est terminé.
C’est mon passeport pour la suite! Demain je devrais commencer plus sereine!
4H du matin, 1er jour de la course… on y est, on plie la tente, on charge le 4X4 et vite au PC course pour connaître notre position, notre parcours et placer son 1er point!
L’angoisse du « pas bien placé » est présente, puis après s’être rassurée auprès des copines l’estomac se dénoue et je peux prendre mon petit déjeuner! Un petit moment de répit sur la journée qui nous attend!!
6H le départ, prise de cap et c’est parti… et là ça arrive doucement mais sûrement parce que ça va s’installer pendant tout le temps du rallye ! L’ANGOISSE associée au DOUTE! Ça vous fait un « boulguiboulga » au creux de l’estomac et ça ne vous quitte pas!
Il faut passer outre, ne pas le laisser trop s’installer et ça demande un effort mental perpétuel! Une mise sous tension pour ne pas se laisser envahir!
Ne pas inquiéter sa pilote! Ça aussi ça fait partir du paquetage! La tension lâche quand on se retrouve en face de la balise tant convoitée… mais elle revient aussi vite dès que nous partons à la recherche de la suivante!!! La balise devient le besoin urgent, elle est presque votre meilleure amie ! Il n’y a qu’elle qui vous détend le temps de pointer!
Alors quand malheureusement vous ne pouvez pas prendre le cap et que le seul choix qui s’offre à vous c’est une piste c’est terrible! Parce que les pistes de la carte n’existent plus et celles présentes sur le terrain ne sont consignées nulle part!!!
Vos compteurs d’alerte sont au maximum et quand on n’est pas là où l’on devrait être (ça nous est arrivée encore cette année), il faut une sacrée dose de sang froid pour que les larmes ne viennent pas affoler le reste de l’équipage…. malheureusement je n’ai pas toujours ce sang froid là (je vais y travailler pour 2012) et je suis obligée de laisser couler mes larmes! Sachant bien qu’à chaque fois c’est aux dépens de l’équipage!
Ça vous désespère et il y a une espèce de tristesse et de dégoût de soi-même qui vous secoue! Vous vous sentez incapable!
Ce qui est surprenant c’est qu’il reste une petite once de force qui au fond de soi revient et t’aide à reprendre tes esprits pour repartir… alors on redonne un cap, on se sent vidée on est pas fière! mais quand ta pilote est une pilote comme la mienne, tu te dis que tu ne peux pas lui faire ça! Avance!!
L’angoisse revient et toujours associée au doute… ça fait un peu plus mal à l’estomac mais tu y retournes! Là, bizarrement tu retrouves ton chemin et enfin la balise!! Là tu souffles à nouveau… et tu repars! et ainsi de suite…
Quand le soir tu arrives au bivouac et que tu plies tes cartes, c’est comme si tu avais couru toute la journée…! Y’a plus de jus! L’angoisse et le doute sont moins présents (eux aussi ils vont se coucher!!) mais ils ont la riche idée de te faire rêver de balises!! Même après 5 Rallyes !
Quand le Rallye se termine à Foum Zguide j’ai l’impression d’avoir couru un marathon… et d’avoir un estomac qui a cramé!! Une grosse sensation de vide, plus de tête pour réfléchir! Il faut un peu de temps pour réaliser que c’est terminé et du temps pour savourer le fait d’avoir été au bout et de mériter la place du moment!
Il y a une chose que je réalise : avoir une Gazelle qui sourit et qui ne demande que de repartir ensemble c’est le plus beau cadeau de cette fin de rallye!
Remerciements
À nos fidèles Sponsors, sans qui rien ne serait possible ! Ils ont cru en nous et nous portent d’année en année un peu plus près de la victoire :
Greentech – Overscan – Indian Cars – Mankiewicz – Osmoz Voyages – Narta – Interchim – Saci Cfpa – Campanile Riom – Campanile Issoire – Studio Mandarine – Flauraud – Chérie FM – Food’Art – Formaroc – Madame est Servie – Editions Revoir – Le Lycée Roger Claustres – Afma – Oxsitis – Sauret – Jérôme Pallé – Graph Communication – United Colors Of Benetton – Esprit – Sopra Group – Zayho – Auverbiotech – Phoebus Communication – Fashion Perruques – Visa Production – Les Corps Singuliers ;
À nos familles et amis, qui nous soutiennent par leurs messages et leurs encouragements à chaque instant ;
Aux organisateurs, Dominique, Jean-Pierre et Marina, pour avoir créé cet évènement et aussi à tous les bénévoles qui nous concoctent chaque année un merveilleux rallye et savent nous pousser au-delà de nous-même ;
Aux Gazelles et Gazous, pour les élans de solidarité, l’entraide, les coups de mains et coups de sangles, les sourires, les larmes, les rires ;
Et enfin à nos hommes, qui ont la patience de vivre, manger, dormir au quotidien aux côtés de drôles de bestioles mutantes, mi-femme mi-gazelle … !
À l’année prochaine !
